À l’instar du DanceHall, le Hip Hop particulièrement avec le rap est connu pour être un milieu assez machiste cultivant les codes Street et Gangsta ou même les femmes peinent à faire leur trou même en mettant en avant leur côté masculin. Quid des sujets récurrents : Money, Power and Respect, omniprésent dans les clips musicaux représentés par les bling-bling, femmes-objets, les grosses caisses, grandes maison…Les rappeurs n’ont pas toujours été tendres avec les gays.
Dès le début du mouvement Hip-Hop on en voyait déjà les tendances avec un Big Daddy Kane qui s’autoproclamait « Anti Faggot » ou le crew The Diplomats employant le terme « No Homo » dans les morceaux du rappeur Cam’ron. On se souvient aussi des lyrics assez violents de « Criminal » ou « Elevator » d’Eminem qui d’ailleurs a dû faire son mea-culpa en interprétant son titre « Stan » avec un homosexuel assumé Sir Elton John lors des Grammy Awards de 2001.
Le rap Français n’est pas en reste, les paroles « deux pédés qui s’embrassent en plein Paris, HARDCORE » du groupe Idéal J ou même dernièrement la polémique autour du groupe Sexion d’Assaut montre bien à quels points les mentalités ont la peau dure.
VERS UN CHANGEMENT EN PROFONDEUR ?
Les changements de la société actuel avec l’avènement des lobbys gays dans le monde du spectacle, mené de front par le cinéma, la mode et la musique joue pour beaucoup dans l’évolution des mœurs. L’homosexualité encore taboue était déjà présente dans la culture pop des années 80. Alors qu’aujourd’hui le cinéma le met en scène comme une chose de plus en plus normale on a eu droit au premier rôle de gangster qui de surcroît est noir et gay (Omar dans la série The Wire de David Simon) Il aura fallu un peu plus de temps pour que ce phénomène touche le milieu Urbain et particulièrement la communauté Hip-Hop. Pourtant au début des années 2000 le rappeur Américain DeadLee avait déclaré ouvertement être homosexuel. L’abcès fut crevé lorsque Frank Ocean du crew OFWGKTA, chanteur Rn’b de la nouvelle vague US avoue être bisexuel en postant une lettre racontant son histoire d’amour avec un homme sur son blog. Il reçoit alors le soutien de plusieurs poids lourd du rap tel Kanye West, Busta Rhymes, Beyonce…
On retient aussi les confidences Snoop Dogg sur ce même sujet lors d’une interview pour le magazine The Guardian "Être gay est acceptable dans le monde de la musique, mais pas dans le monde du rap. Je ne sais pas si ça le sera un jour. C'est comme lorsque l'on fait partie d'une équipe de football. Vous ne pouvez pas être dans un vestiaire remplis de putains de grosses brutes bien baraquées et dire soudainement 'Hey mec, je t'aime bien'. Ça sera dur".
LE RAP FAIT SON COMING OUT
De tout ce chamboulement a émergé une nouvelle tendance au cœur même de la grosse pomme. Le queer rap, nouvelle scène qui se réclame beaucoup de la mouvance gays et lesbiens Afro et Latino du New-York des années 80. Ce mouvement qui puise son essence du Voguing mythique danse des ballrooms et de la tendance Drag-Queen, joue avec des codes à l’opposé du rap traditionnel. Ici il est question de liberté sexuelle de culot, d’esthétisme, dans un univers à la fois décalé et décomplexé Les fers-de-lance du mouvement queer New-Yorkais sont clairement mis en lumière par des artistes comme Mykki Blanco, Zebra Katz, Le1f et Cakes da Killa.
De son vrai nom Michael Quatelbaum, the Cosmic Angel from New York basé à Harlem. Personnage assez complexe limite Drag-queen, se glisse dans la peau de ses différents alter-ego. Tantôt travesti tantôt Gangsta avec ses performances très scénarisé lors de ses apparitions ; freestyle en pleine rue ou dans le métro grâce à son passé de performer à l’Art Institute de Chicago. Il se distingue grâce à son flow percutant posé sur des instrumentaux minimalistes ou à l’univers Dubstep. Ce jeune homme influencé par des artistes comme Eminem, Nas…en met plein la vue avec déjà plusieurs projets à son actif dont : Cosmic Angel : The Illuminati Prince/ss produit par Brenmar en 2012.
Celui par qui le terme Ga(y)nsta est arrivé, nous propose Dark-York projet en téléchargement gratuit ou il pose sa voix grave sur des beats electro-pop qu’il produit lui-même. Khalif Diouf abuse des stéréotypes homos avec une touche d’humour à prendre au dixième degré. Le rappeur n’hésite pas à jouer la carte « Bitchy » et «Trashy ». Pose lascive en mini short et assumant pleinement sa sexualité et sa féminité aussi bien lyricalement que gestuellement (voir le clip spa day).
Ce danseur de Voguing est le plus underground mais le plus hype de cette nouvelle scène, encensé par la critique depuis que son titre « Ima read » fut joué en bande-son du défilé du créateur de mode Rick Owens lors de la dernière Fashion Week de Paris. Zebra Katz manie la rime acerbe et percutante sur des productions à l’ambiance assez noire et morose. Cette artiste pluridisciplinaire vient de sortir son premier maxi sur le label Mad Descent de Diplo, et arrive bientôt avec sa toute dernière mixtape “DRKLNG”. Un 12 titres, dont un featuring avec Busta Rhymes… Ima read :
CONFUSION DES GENRES
Mouvement éphémère ou nouveau filon commercial à exploiter, cette tendance queer me pousse à me demander si ce n'est pas un courant musical qui pourrait s’essouffler d’ici quelque temps comme l’a été la tendance tecktonik. Contrairement aux hommes, certains artistes féminines comme Azealia Banks, Venus X, Yo! Majesty, Kreyshawn, THEESatisfaction ou L’androgyne Syd The Kid du groupe The Internet s’étaient déjà proclamées bisexuelle ou lesbienne et cela n’avait pas l’air de choquer l’opinion publique. Paradoxalement au Rap américain toujours à l’affut de nouvelles tendances, serait- il un jour possible de voir ce mouvement se propager en Europe? particulièrement en France second bastion du Rap après les États-Unis.
By Aissa.T
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