La discrétion est de mise puisque l'affichage sauvage n'est pas autorisé. Ceci-dit on a la chance de vous présenter notre « métro-jacker » présent aussi dans Graffiti Art Magazine. Hé ouais, si ce n'est pas un beau cadeau ça, pour nos lecteurs et lectrices préférés ?!

LC : Vos affiches sont visibles mais pas tapageuses, vous jouez avec la surprise, et usez d'un ton moins sérieux que certains artistes, qu'est-ce qui vous retient ? 

Ardpg : Je ne cherche pas à m’inscrire dans le propos court du genre “stop la misère”, mais plutôt à travailler sur la dérision, la réflexion, les degrés de lecture, tout en évitant le “déjà vu” Le statut de street art est galvaudé, comme un cahier de brouillon, où tout est en vrac.

PONCTUALITE © Ardpg

LC : Vous éveillez la curiosité et multipliez les actions, comme une méthode de gag, l'effet de répétition, vous l'utilisez dans quel but ?

Ardpg : Le but du décalage et de l’humour est l’émergence continuelle, comme à partir des cotes du TGV pour les réintégrer dans les rames du métro. A partir des logos, du graphisme de la Ratp l’idée est de faire émerger le doute.

LC : Vos affiches portent sur le détournement des valeurs déjà existantes, la cible est-elle l'amateur d'art ?

AP : La cible, non ce n’est pas que les amateurs d’art bien qu’il y en ait. C’est aussi par le biais des retours que je comprends que les personnes sont touchées par les affiches, ou par les posts sur instagram. Les affiches animent aussi les followers sur les réseaux.

VOITUREBAR © Ardpg

LC : Plus harmonieux qu'en rupture, est-ce là votre propos d'artiste ?

AP : Le collectif anti-pub est moins mon univers que de jouer avec l’absurdité. Par exemple quand un panneau n’est pas loué, vert ou bleu et que je colle une affiche de type “ceci est un espace vert”, alors qu’un tag peut demeurer une semaine, la durée de vie de mon affiche est de 48h. C’est une forme d’art éphémère, surtout quand la 4X3 de 23h est recouverte à 8h du matin.

ESPACEVERT © Ardpg

C’est un jeu du chat et de la souris, qui est plus dynamique que le graffiti, entre le vandale et le maton. Ardpg joue dans la marge de tolérance que réserve la politique commerciale d’affichage de la ratp. Pour l’anecdote, il se rappelle d’une équipe de CRS qui le prend en flag, collant une affiche dans la rue :“vous allez bien M.?” “oui” répond-t-il avant de d'apercevoir juste à temps les représentants de la loi s’en retourner.

LC : Parlons du détournement d'affiche, modestie ou travail de l'existant, votre pratique est-elle une critique de l'art opportuniste ou de l'abus de communication ?

Ardpg : Non, je ne suis pas prof de morale, je prends le recul de l’architecte et du designer. Par exemple, pour la série de regards, je les inscris dans l’histoire de l’art. Les retours sont nombreux et positifs. Les gens sont fiers d’avoir reconnu l’œuvre dont sont extraits les yeux, terre à terre : il y a eu des plus #lourd avant nous. “J’ai mis deux ans avant d’aller tagger outdoor”.

WATCHERS © Ardpg

Regard1 © Ardpg

Regard2 © Ardpg

Regard3 © Ardpg

LC : Une pratique de l'art qui pousse à moins d'aliénation, par les autocollants d'attente ou d'intention, pour faire prendre conscience à l'usager de quoi exactement ?

Ardpg : J’aimerais faire comprendre que Banksy avait regardé les œuvres de l’antiquité ou même de la préhistoire avant de créer. Que c’est important pour les spectateurs de ne pas seulement se dire « j’irai le chercher sur internet », ceux qui reconnaissent les œuvres dont sont extraits les regards sont hyper fiers. D’ailleurs je prépare une expo à Nice dans une galerie où des artistes très connus seront représentés, comme JR et Banksy . Semer la confusion entre RATP et SNCF, dans quel intérêt ? Vous aussi vous trouvez absurde qu'à la Défense, selon d'où vous arrivez, vous devez payer l'entrée ? Comme la révélation d'une guerre des territoires où l'usager serait pris en otage ? Je ne savais pas… les premiers artistes, ce sont eux. (rires)

LC : Dans les tableaux que vous créez par ailleurs, vous utilisez une méthode non sélective, mais plutôt une restructuration des éléments visuels, est-ce par respect de l'existant ?

Ardpg : Plutôt anti-vandaliste, l’absurde, le ludique et le respect sont mes approches préférées.

Signal © Arnaud Puig

LC : L’urbain, la mixité, le post street art, ils traversent votre pratique dans laquelle reste peu de traces d'une technique à la bombe, mais une forte impression de réalisme, comme si grâce à l’architecture vous pouviez vous permettre de projeter votre vision et nous la transmettre.

Ardpg : La toile blanche est la base et le propos est la mixité entre la ligne de fuite, le graffiti et l’art urbain. Je sais que mes recherches sont vastes. C’est aussi une façon de permettre au regard d’être libre, d’entrer et sortir par le chemin de son choix. La superposition de symboles signifiant un troisième, a l'effet tout aussi frappant que le graphisme. L'art néoclassique vous inspire pour développer votre néo-street art. La figuration contemporaine est comme une idée de recyclage.

LC : Avez-vous des difficultés à trouver votre voie ?

Ardpg : Non, mais dans l’exercice de style qu’est l’étiquette, les galeristes m’ont sensibilisé sur l’étendue de mon propos et la difficulté à le qualifier. J’ai donc deux signatures, plus proche d’un nom de crew, Ardpg répond plutôt aux collages et aux grafs. Parfois, certaines affiches arrachées sont belles, mais la photo c’est encore un autre aspect.

YK2 © Ardpg

By Bus des Étoiles